L’identité du professeur en ligne, une nouvelle dimension professionnelle ?

Publié par Marie-Noelle Marineau
24 juin 2021 dans Nouvelles

Depuis le début de la pandémie, de nombreux enseignants se sont tournés vers le développement professionnel pour apprendre à utiliser les outils numériques dans le but d’offrir une éducation à distance d’urgence (EDU) pour leurs apprenants. Un peu plus d’un an après le début de cette nouvelle réalité, Jacques Cool et Maxime Pelchat en ont discuté avec trois invités dans le cadre d’un panel qui s’est tenu lors du Grand rassemblement REFAD 2021


Le sujet du panel était L’identité du professeur en ligne, une nouvelle dimension professionnelle ? – Les besoins pour faire mieux, en contexte de FàD. Les panélistes invités, Myra Auvergnat-Ringuette (enseignante au primaire), Philippe Picard (directeur pédagogique au secondaire) et Geoffroi Garon-Épaule (conseiller pédagogique au collégial) ont pu partager leurs différentes perspectives sur des aspects précis de cette thématique. Voici les points clés de cette discussion divisés en trois grands thèmes : 

  1. l’adaptation de l’enseignement dans un contexte d’EDU, 
  2. les nouvelles réflexions sur le rôle de l’enseignant, et 
  3. que restera-t-il  de cette nouvelle réalité au-delà de la pandémie.

Adaptation de l’enseignement dans un contexte d’EDU

Les professionnels de l’éducation, peu importe le niveau d’enseignement, n’ont eu autre choix que d’adapter rapidement leurs façons de faire au cours de la dernière année. Au primaire, Myra Auvergnat-Ringuette a observé que le passage forcé à la formation à distance et au numérique représentait une nouveauté pour plusieurs, étant donné qu’il s’agit d’un type de formation plutôt rare à ce niveau. Les enseignants ont eu à s’adapter, mais aussi à réfléchir à l’utilisation du numérique dans un contexte scolaire. Elle souligne d’ailleurs l’importance de continuer à se questionner sur l’utilisation des bons outils numériques, choisis pour les bonnes raisons, et sur la compréhension du programme afin d’offrir une évaluation mieux adaptée pour chaque élève. 

Selon Philippe Picard, les besoins en développement professionnel pour les enseignants du secondaire ont également été directement liés au numérique dans la dernière année. Même dans un milieu scolaire où la technologie est déjà bien présente, le besoin était là pour certains membres du personnel qui ont pu être formés par leurs pairs. L’aspect non négligeable de l’EDU pour lequel les enseignants, peu importe leur niveau d’aise avec les technologies, ont eu à se former est l’importance de rester connecté avec les apprenants lorsque ceux-ci sont à distance. 

Geoffroi Garon-Épaule a quant à lui observé des besoins similaires en développement professionnel au niveau collégial, en soulignant que cette nouvelle réalité a littéralement changé des vies professionnelles. 

Nouvelles réflexions sur le rôle de l’enseignant 

Les récents changements ont imposé une réflexion sur le rôle de l’enseignant auprès de ses apprenants et cette réflexion semble avoir été assez similaire, peu importe le palier d’enseignement. Tant au primaire qu’au collégial, le concept de culture du numérique (collective, non individuelle) a été soulevé. Geoffroi Garon-Épaule a mentionné l’obligation pour les enseignants et les institutions de se réinventer. Selon lui, ce changement de culture n’est pas quelque chose qui se fait en six mois. C’est plutôt une planification progressive qui demande également que les différents acteurs du niveau collégial acceptent un développement professionnel à long terme, allant au-delà de suivre des formations « à gauche et à droite ». 

Myra Auvergnat-Ringuette a souligné qu’à même le primaire, la culture du numérique diffère selon les cycles (moins présente au préscolaire, par exemple) et qu’il y a en plus une pression, tantôt positive, tantôt négative, de la part des parents quant à son adoption. De son point de vue, il est possible d’aller chercher plus avec le numérique de la part de certains élèves et il est du rôle de l’enseignant de comprendre comment faire et d’agir en ce sens. L’aspect socioaffectif a également été abordé comme faisant partie des nouvelles réflexions sur le rôle de l’enseignant. Mme Auvergnat-Ringuette a d’ailleurs suggéré la vidéo Tout enfant a besoin d’un champion de Rita Pierson, un TED Talks Education au sujet de l’importance pour les jeunes d’apprendre de la part d’une personne qu’ils aiment et avec qui ils ont établi une bonne relation. 

Au secondaire, Philippe Picard a suggéré de repenser l’offre en fonction d’un contenu en ligne avec des tâches engageantes pour les élèves; l’engagement actif de l’élève est déjà un défi en présentiel. Le lien avec les apprenants et surtout le maintien de celui-ci dans un contexte d’EDU faisait aussi partie des enjeux exigeant une réflexion, selon lui.

Qu’est-ce qui va rester de cette nouvelle réalité ?

Après plus d’une année de grands changements, il est pertinent de se questionner sur ce qui devrait perdurer au-delà de la pandémie. Philippe Picard a d’abord porté l’attention sur l’ensemble des apprentissages réalisés par tous dans la dernière année. Il ajoute que la pandémie aura démontré que les jeunes ont une capacité d’adaptation plus grande que plusieurs adultes pour qui les changements auront été plus difficiles. 

Geoffroi Garon-Épaule a fait remarquer que maintenant, les milieux scolaires sont prêts à ce type de situation et qu’ils ont des plans A, B et même C. Les conseillers pédagogiques au collégial sont maintenant davantage en mode « accueil », dans le sens où ils avaient l’habitude d’aller vers les enseignants pour leur « dire quoi faire » alors qu’ils les invitent maintenant à les interpeller en cas de besoin. Les enseignants, pour leur part, garderont certains aspects de cette nouvelle réalité et continueront avec certaines des nouvelles façons de faire qu’ils ont aimé.

Myra Auvergnat-Ringuette a fait allusion au désir évident de la part de plusieurs enseignants de faire évoluer les pratiques. Elle appuie les propos de M. Garon-Épaule en spécifiant que les enseignants garderont certains aspects et d’autres non. Elle précise qu’il faudra évaluer si ces changements représentent un beau défi ou un fardeau pour le personnel enseignant. Elle conclut en faisant remarquer que l’enseignement à distance devrait faire évoluer certaines pratiques et situations, entre autres en lien avec les enfants malades qui ne peuvent se rendre à l’école, les journées de tempête ou les enfants qui s’absentent sur de longues périodes pour des voyages par exemple.

Finalement, il semble évident que la dernière année a apporté son lot de changements, dont plusieurs touchant directement l’identité professionnelle. À cet égard, certains aspects ont été mis davantage en évidence par l’EDU dont le besoin pour les enseignants de s’adapter et de s’actualiser ou encore, le rappel de l’importance d’entretenir une relation bien humaine avec les apprenants. Les besoins en développement professionnel dans le milieu de l’éducation sont manifestes, mais ils doivent être adaptés aux différents acteurs qui ont différents besoins et ne pas représenter un fardeau trop lourd à porter pour ces personnes qui en ont bien souvent déjà beaucoup sur les épaules.

En rattrapage

Pour (re)voir le panel de discussion, l’enregistrement vidéo est disponible via la chaine YouTube du REFAD :