L’école : un lieu d’expérience humaine augmentée

Publié par Jacques Cool
04 Décembre 2016 dans Technologie, Veille

Voici un texte de Michelle Sarrazin, du Collège Jean-Eudes à Montréal, en réaction à une présentation d’Ollivier Dyens le 30 novembre dernier lors d’un panel Horizon 2025 organisé par la FÉEP. Les propos de monsieur Dyens, Des nains sur les épaules de géants, furent captés au printemps 2016 lors du colloque REFERedu à Québec.

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(source : piaxabay.com)

Je ne sais pas si vous avez écouté le 1er épisode le la série « Black Mirror »?

En interagissant avec nos objets connectés, nous accumulons et relayons des données qui sont analysées et qui nous soupèsent… qui prévoient, devancent, créent nos désirs…

Des questions se posent :

  • Serons-nous augmentés de cette technologie que nous avons créée ou serons-nous à son service ?
  • Grimperons-nous sur les épaules de la technologie pour faire de l’expérience humaine une expérience augmentée ?
  • Mais aussi pour trouver comment, augmentés de cette intelligence surhumaine, nous pourrons trouver comment nous sortir collectivement du pétrin dans lequel notre intelligence trop humaine nous a plongée?

Pour trouver comment faire en sorte que l’humain reprenne sa place dans la nature, intelligemment!

Vous l’avez dit, monsieur Dyens : Il ne faut pas tourner le dos à la techno ! Mais l’investir de nos valeurs ! C’est urgent ! Mais quelles valeurs ? Il semble que ce soit un mot sulfureux, au Québec! Et quelle école pour les porter, ces valeurs ?

L’école doit porter et être portée par un projet humaniste mais aussi, écologiste… Remettre l’humain, le vivant, l’organique, au centre… Bien sûr, il nous  faut donner à nos jeunes une solide culture scientifique,  car plus que jamais, la science est au coeur de nos vies… Mais attention, déjà en 1956 Heidegger écrivait, en parlant des développements scientifiques :  « Tout ce qui peut être fait sera fait. » « La science ne pense pas. »

La science ne pense pas, mais l’humain oui ! Il doit, de toute urgence, entrer en pratique réflexive, s’entraîner à la sagesse, à la philosophie, à l’éthique, à la métaphysique, à la poésie… Mais aussi réhabiliter l’écologie, la biologie, car nous sommes organiques…, nous fonctionnons 100% aux énergies renouvelables, nous sentons le monde par toutes les cellules de notre corps, sensibles aux vents, aux lunes et aux marées, nous devons réapprendre à nos enfants à s’en émerveiller et à le savourer. Les sagesses orientales sont appelées en renfort dans nos sociétés occidentales… Nous sommes des cerveaux, oui… mais il nous faut aussi réapprendre à respirer.

Et puis, dans la surabondance d’informations; discerner le vrai du faux, donner du sens… se donner des projets humanistes, des projets humains… Car l’humain a aussi besoin de se sentir utile et de construire du sens…  et il faut craindre un monde où ces besoins ne seront plus comblés.

Or, les jeunes que l’école a l’immense privilège de fréquenter, sont avides de sens… Le parents le savent, les tout petits nous saoulent de « pourquoi » … et les ados … ils nous abreuvent d’objections, ils réclament justice ! Or, nous avons besoin de plus de « pourquoi » et de plus de justice ! C’est dans le terreau de l’école que ces faims et ces soifs doivent s’assouvir et porter des fruits.

« La science ne pense pas… » … mais il faudra bien que l’humain le fasse… Et pour l’y amener, l’école a un rôle fondamental.

L’école doit être un lieu d’expérience humaine augmentée. Elle doit aiguiller les jeunes esprits vers les ressources valables et les guider dans la construction de leur pensée critique, créative, dans l’élaboration de leurs projets, dans leurs quêtes de sens, dans leurs créations… Le guider à se donner des défis et à se donner les moyens collectifs de les relever… Collaboration, mise en réseau…

Mais aussi prise de pouvoir : car les plus grands dangers qui guettent l’humanité ce sont la perte de contact avec la nature et le sentiment d’impuissance … On l’a vu aux USA, « du pain et des jeux », ça ne suffit plus… Sinon on risque de voir la vie comme une grosse téléréalité dont on attendra la suite avec un cynisme glaçant.

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