uLead16 – Leadership distribué, collaboration et changements réels

Publié par Jacques Cool
26 avril 2016 dans Veille

keep calm

Journée cognitivement chargée au #uLead16 mais ô combien inspirante pour tout agent de changement en éducation ! Nous allons tenter de synthétiser notre journée, à partir de notes personnelles, de très nombreux tweets et nos impressions. Y’a pas à dire, cette conférence est un véritable camp de base clé pour l’ascension du mont de l’école transformée.

 

 

 

 

Jacques Cool, CADRE21

Simon Breakspear nous interpelle avec dynamisme pour nous rappeler que les initiatives de changement en éducation sont malheureusement calquées sur un modèle de changement « par défaut ». Il faut revoir le modèle et dégager de nouvelles façons à aborder le processus du changement; en quoi le changement est-il meilleur ? Quelles sont les finalités d’apprentissage à confirmer, à ajouter, à modifier, à oser ? “We’re actually looking for a new “how!” dit Breakspear. Mais en fait (et ceci est un constat personnel qui m’habite depuis près de 20 ans maintenant, il faut changer les moteurs de l’avion, mais faire cela pendant qu’il est en vol…!)

Lorsqu’il nous demande de nommer, chez chacun, une chose à changer qui peut favoriser une démarche de changement positif à l’école, pour moi c’est la CONFIANCE (ou le manque de…) qui me vient à l’esprit. On a tous nos histoires à cet effet 😉

Au fond, les contraintes systémiques au quotidien nous éloignent, nous butent contre ce qu’il importe de faire, comme leader du changement. Elles rendent difficiles de tasser l’immuable, alourdi par son inertie…

 

gros-sumo-2Mais trève de constats négatifs. Nos aspirations pour les apprenants n’ont jamais été aussi grandes :

  1. les progrès en littératie et en numéracie
  2. les capacités de haut niveau chez les finissants
  3. une culture du mieux-être et de la résilience
  4. le développement d’apprenants actifs et mobilisés

Pour y arriver, on propose un cadre qui favorise l’adhérence, avec en toile de fond une posture d’agilité et trois principes qui soutiennent :

  1. Do less but better (focusser sur ce qui importe)
  2. Grow expertise (accroitre l’expertise des adultes dans l’école)
  3. Cultivate team (jardiner la collaboration de l’équipe)

Ça m’apparait comme un terrain fertile pour le leadership par le milieu, à la Michael Fullan, ça !
Au tour du finlandais Pasi Sahlberg de prendre place, avec un regard systémique de haut niveau mais qui clarifie de façon élégante la différence fondamentale entre corrélations (l’apanage des mégadonnées) et la causalité (celle des microdonnées). Pour l’école, dans une perspective plus pragmatique, c’est de reconnaitre l’impact réel des facteurs externes de l’école, parfois invisibles, mais souvent déterminantes dans l’engagement de ses acteurs. On ne verra pas nécessairement cela dans l’affichage des résultats aux épreuves internationales; les résultats sont saisis par le politique alors que les explications de ces résultats nécessitent une mise en contexte locale.

big small data

En après-midi, c’est encore avec Simon Breakspear que le groupe a pu travailler avec une grille d’analyse développée avec Agile Schools. Ce que je trouve intéressant avec cet outil, c’est qu’elle incite à focusser sur un élément spécifique que l’on vise à améliorer : un résultat d’apprentissage qu’il importe de préciser, suivi des comportements à observer chez l’apprenant, des actions à poser par l’enseignant, ceux des accompagnateurs pédagogiques, de la direction d’école, des décideurs de juridiction. Des cercles d’intervention concentriques mais alignés. Cohérence interne. Focus pour s’améliorer.

Agile

Dernière session de la journée avec, notamment, Jón Torfi Jónasson de l’Islande.  Ahhhh, faire l’école avec conscience…!  Jónasson fait un plaidoyer pour une vision plus profonde de ce qu’on désire voir partagée avec les jeunes; aborder les finalités dans une perspective humanisante, tenir compte des grands enjeux de société : développement durable, génétique, IA, enjeux démocratiques, comment engendrer le changement soutenu et durable. Des impératifs pour que l’école assume sa responsabilité sociale et morale pour guider le jeune dans et vers ce monde tumultueux.

Marc-André Girard, Collège Beaubois

Nous réalisons tous qu’il existe divers fossés à réduire dans toutes les écoles autant en termes de pratiques pédagogiques que de leadership. Par la même occasion, bien que les écoles s’améliorent de plus en plus, il n’en demeure pas moins que nous devons accélérer le rythme du changement dans celles-ci.  C’est dans cette optique que Simon Breakspear propose de maximiser l’impact de nos interventions : faire moins, mais faire mieux. Diminuer notre rayon d’action, mais maximiser l’impact de cette même action. Cela signifie implicitement qu’il est nécessaire de mieux déléguer pour permettre à d’autres de prendre plus de responsabilités et de s’affirmer, à leur tour, en tant que leader dans le milieu scolaire. Cela vient en lien avec la conférence de Bill Rankin d’hier : il faut créer des espaces pour voir croître le leadership et les initiatives. Si tous se centrent sur moins et que ce moins qui demeure sous leur responsabilité devient meilleur, il y aura davantage à assumer pour les autres et le tout aura été amélioré !

Enfin, toujours selon Breakspear,  avec 1.57 de coefficient d’efficacité pour une collaboration efficace des enseignants, cela renforce l’idée qu’il faille que tous les professionnels de l’éducation sortent de leurs silos pour travailler ensemble, en complète collaboration, en assumant un leadership partagé. Le tout, bien sûr, dans le meilleur intérêt des élèves !

J’attendais avec impatience la conférence de Pasi Sahlberg. Pour moi, cet homme est une icône ! Bien peu d’entre nous peuvent se targuer d’avoir participé à autant de réformes en éducation dans le monde, d’avoir travaillé pour le ministère de l’Éducation en Finlande, pour la Banque Mondiale pour ensuite enseigner à l’Université Harvard. Bref, l’homme est d’une prestance légendaire. Son exposé aura permis une certaine démystification de divers mythes souvent entendus dans un système scolaire, lesquels sont démontés habilement en mettant en relief l’importance de la collaboration entre les divers acteurs de l’éducation, car, non, tout ne repose pas que sur les épaules des enseignants, malgré le fameux teacher effect, souvent galvaudé.

Enfin, Salhberg met l’accent sur l’importance du small data (données locales), allant à contre-courant du big data (méga données). Bref, il restitue l’importance de l’observation des humains qui accompagnent les jeunes quotidiennement, ce qui permet de comprendre les causes de certaines tendances, alors que le big data, lui, permet diverses corrélations grâce à des tonnes de données standardisées. Comme il l’explique habilement en conclusion :

“If you’re not driving change in your school, big data will do it for you.”

Voilà l’importance de saisir les petits signes qui échappent à ces piles de données compilées et standardisées et qui valorisent le rôle du contact humain et du fait qu’on connait mieux qui quiconque les besoins de nos propres élèves. Donc, If you don’t lead by small data, you will be led by big data.

Enfin, j’ai pu rencontrer la charmante Lise Galuga qui animait un atelier sur l’élaboration d’un Makerspace en milieu scolaire. Elle a su donner toutes les indications nécessaires pour entamer une belle réflexion sur le sujet en plus de donner, presque littéralement, une liste d’épicerie à suivre avant de passer à l’action : ressources humaines, financières et matérielles à considérer, aspects légaux à envisager, sécurité, formation et divers autres détails pertinents. J’ai surtout apprécié son équation du computational thinking : esprit critique + puissance des technologies = pensée computationnelle.

En terminant, complètement hors sujet, je retiens deux choses d’une table ronde de partage d’expérience. D’une part, une directrice d’école de Mumbai qui regroupe 10 000 élèves rassemblés dans des classes de 70 élèves. Cette dernière affirmait le plus sérieusement du monde que malgré tout, il y avait amplement de place à l’innovation pédagogique ! Matière à réflexion… Ensuite, une dame qui expose le plus simplement du monde sa stratégie pour soutenir le changement dans son milieu : push, pull and nudge ! (pousser, tirer, donner un petit coup de coude complice).

Marie-André Croteau, Collège de Montréal

Jón Torfi Jónasson, nous rappelle qu’il est important de comprendre d’où nous venons pour amorcer un changement. Remarquons que notre système scolaire actuel origine du XVIIe siècle! Voilà pourquoi tous s’entendent pour dire qu’un changement est primordial. Simon Breakspear insiste également sur l’essentiel et continuel mouvement vers l’avant, vers l’amélioration constante et profonde de nos pratiques pédagogiques. Il précise également que malgré le fait qu’on remarque déjà un changement, celui-ci doit s’accélérer. Selon lui, pour amener un changement il faut l’amorcer une couche à la fois. Pourquoi ne pas focaliser sur le résultat dans l’apprentissage d’un élève? Pour ce faire il importe de penser différemment en regardant par la fenêtre du futur. Cette attitude difficile à adopter sera freinée par le pouvoir de séduction de la stabilité actuelle.

La réalité nous rattrape tous. Le menu à la carte, la télé à la carte, la société à la carte, l’école à la carte. Pourquoi pas! Passer d’une école en laquelle élèves et parents ont confiance en une école qui a confiance et met à contribution ses élèves. C’est ce que propose Madame P. Jean Stiles en décrivant un horaire dans lequel sont intégrés des journées d’apprentissages alternatifs. Elle amène ainsi sa réponse à LA question qui n’est pas comment mon école peut-elle faire mieux mais comment mon école peut devenir meilleure à faire mieux? Cette question posée par Simon Breakspear semble un canevas de fond pour plusieurs agents de changement réunis à Banff cette semaine. Il suffit de penser à cette école certifiée Google à Mumbaï, dirigée par Madame Avnita Bir. Celle-ci regroupe quelque 10 000 élèves dans des classes de 65-70 élèves utilisant les outils collaboratifs à travers une gestion active du changement.  Comment y arrivent-ils  avec si peu de ressources? N’oublions pas que la force d’un système repose sur la qualité de l’équipe qui le soutien. L’équipe mise sur ce qui se trouve en place et non sur ce qui lui manque, comme le déclamait Dave Dempsey.

Les agents de changements ont justement besoin d’établir un camp de base pour démarrer leur action. Simon Breakspear compare d’ailleurs ULead à un de ces camps de base. Ne perdons pas de vue que ce camp se situe de plus en plus loin avec les pas effectués. D’autres peuvent également s’y ressourcer pour démarrer à leur tour la progression. La contagion démarrera d’une petite équipe motivée et prête à faire le pas et se répandra petit à petit.

«Your school will transform at the speed of trust between innovative educators and the rest of their colleagues.»

Selon Breakspear, cette incubation fait partie d’un cycle d’évolution catalysant une action efficace. Cet Agile improvement cycle fait passer par trois étapes la mise en place d’une action : clarifier (définir et comprendre), incuber (concevoir et mettre en œuvre) et amplifier (partager et évoluer).

Je conclue en citant Robert John Meehan :

«The most valuable ressource that all teachers have is each other. Without collaboration our growth is limited to our own perpectives»

D’où l’importance pour un gestionnaire en tant que leader apprenant de cultiver la collaboration efficace et de fournir un appui bien ciblé, comme le souligne Dave Dempsey.

 

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